Rénover ? Déménager ? Conserver une propriété pour les revenus ? Bien des familles se posent ces questions un jour ou l’autre, quand leurs besoins changent. Et les décisions peuvent avoir d’importants impacts financiers.
Le problème
À peine installés ensemble, Amélie et Simon manquent déjà d’espace, avec deux jeunes enfants et un troisième attendu dans quelques mois. Pour mieux respirer, ils songent à se lancer dans d’importants travaux pour convertir en cottage le duplex de Simon, dans le quartier Ahuntsic, dont ils occupent actuellement le 1er étage.
Mais la perspective de vivre dans un chantier tout en prenant soin d’un poupon ne sourit pas à Amélie. « On en aura déjà plein les bras, je ne me vois pas en plus gérer des ouvriers et des travaux », dit-elle.
Et la transformation coûterait cher : au moins 130 000 $, estiment-ils. Comme ils perdraient les revenus locatifs, ils se demandent si le jeu en vaut la chandelle.
Le couple envisage donc d’acheter une maison qui répond à ses nouveaux besoins.
Ils lorgnent justement une intéressante propriété à vendre qui pourrait leur convenir, non loin de chez eux. Prix demandé : 615 000 $.
Si Simon vend son duplex, ils auraient sans problème les moyens d’acquérir cette maison. Mais est-ce essentiel de vendre ?
« Est-ce qu’il serait possible de conserver le duplex comme propriété à revenus, même en achetant la maison ? se demande Simon. C’est quand même un investissement qui prendra encore de la valeur dans les prochaines années. Mais actuellement, même en louant les deux logements, les revenus ne couvrent pas toutes les dépenses. Et on risque d’être un peu serrés si on achète une nouvelle propriété. »
Sans compter que la gestion et l’entretien d’un immeuble à revenus exigent du temps, que l’on n’a pas toujours à l’arrivée d’un nouvel enfant dans la famille…
La solution
La mission confiée au planificateur financier et actuaire Dany Provost, associé chez Planium et Avanco : vérifier si le couple peut conserver le duplex s’il achète une nouvelle maison, et si l’effort en vaut la peine.
Auront-ils les moyens de faire face aux dépenses pour les deux propriétés dans les prochaines années ? La valeur des actifs accumulés à long terme sera-t-elle beaucoup plus importante ?
Pour comparer les différents scénarios, Dany Provost, qui est aussi directeur de la planification financière et fiscale au centre financier SFL Cité de Montcalm, à Québec, a calculé ce qu’il restait dans les poches d’Amélie et Simon, une fois les dépenses de logement payées, selon les différents scénarios envisagés.
Sa conclusion ?
« Pour garder les deux immeubles, ils seraient obligés de se priver. »
— Dany Provost, associé chez Planium et Avanco
Comme les dépenses liées aux immeubles limitent leur capacité d’épargne, ils auraient un bas de laine moins bien garni pour la retraite et devraient vendre leurs propriétés assez rapidement, après avoir cessé de travailler, pour avoir assez de revenus pour la suite.
Au bout du compte, il n’y a pas un bénéfice si important à conserver les deux propriétés, selon l’expert.
S’ils vendent le duplex pour financer l’acquisition d’une nouvelle maison, ils se retrouvent avec 5000 $ par année de plus dans leur budget que s’ils conservent le duplex après l’achat. Bien sûr, la valeur de leur actif sera plus importante dans 45 ans, quand Simon aura 91 ans, mais on peut présumer que c’est aujourd’hui qu’ils ont le plus besoin de cette marge de manœuvre financière.
Le scénario « achat de maison » l’emporte aussi sur l’option « transformation du duplex en unifamiliale ».
Voici les données qui illustrent leurs options :
Scénario 1
Achat du cottage, duplex conservé, deux logements loués
Cottage
Prix d’achat : 615 000 $
Mise de fonds : 75 000 $ (RAP pour Amélie et marge de crédit sur le duplex pour Simon)
Hypothèque : 540 000 $
Mensualités : 2600 $
Duplex
Hypothèque et marge : 368 500 $
Mensualités : 2500 $
Revenus de loyer : 2400 $
Coût total-logement et immobilier : 36 000 $/an
Combien reste-t-il pour les autres dépenses ? 59 000 $/an (pour le reste de leur vie)
Valeur des actifs en 2062 : 2 millions
Scénario 2
Vente du duplex et achat du cottage
Duplex
Prix de vente : 600 000 $
Remboursement de l’hypothèque : 368 500 $
Pénalité hypothécaire : 10 000 $
Impôt à payer sur le gain en capital : 47 000 $
(Simon a acheté son duplex en 2008, mais ne l’habite que depuis un an)
Somme nette disponible pour mise de fonds sur cottage : 174 500 $
PLUS RAP et marge de crédit : 75 000 $
Cottage
Hypothèque : 365 500 $
Mensualités : 1800 $
Coût total-logement : 21 600 $/an
Combien reste-t-il pour les autres dépenses ? 64 000 $/an (pour le reste de leur vie)
Valeur des actifs en 2062 : 1,5 million
Scénario 3
Duplex transformé en cottage
Hypothèque et marge (coût des travaux compris) : 460 000 $
Mensualités : 2400 $
Coût total-logement : 28 800 $/an
Combien reste-t-il pour les autres dépenses ? 58 000 $/an (pour le reste de leur vie)
Valeur des actifs en 2062 : 1,7 million
Note : Scénarios élaborés à partir de taux hypothécaires de 3,29 %, d’une augmentation annuelle de 1,5 % de la valeur des propriétés et d’un taux de rendement de 3,9 % sur les placements.
Votre conjoint vous empêche-t-il d’utiliser le RAP ?
Le Régime d’accession à la propriété (RAP) permet d’utiliser les fonds accumulés en REER pour acquérir une première maison. Mais si vous achetez avec un conjoint qui, lui, avait déjà une propriété, et que vous habitiez cette propriété avec lui, vous pourriez être victime de « contamination fiscale », ce qui signifie que vous ne serez pas admissible au RAP vous non plus.
Donc, c’est foutu pour Amélie, elle ne pourra pas utiliser le RAP à cause de Simon ? Pas si vite. Les règles du RAP précisent que vous êtes « contaminé » s’il s’agit de votre conjoint fiscal, c’est-à-dire votre conjoint depuis au moins 12 mois. Or, le couple vit ensemble depuis quelques mois seulement, ce qui devrait permettre à Amélie de se prévaloir du RAP.
Dany Provost rappelle cependant que le fisc pourrait aller jusque dans la chambre à coucher des couples pour déterminer s’ils vivent une relation conjugale, même s’ils ne vivent pas à la même adresse.
Et puis, Amélie et Simon seront considérés automatiquement comme des conjoints fiscaux le jour de la naissance de leur bébé. La future maman devra donc utiliser le RAP avant l’heureux événement.
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