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Plan de financement immédiat : pas la panacée


Il peut convenir à un client très riche qui y consacre une petite partie de son avoir.

La stratégie du plan de financement immédiat (PFI) est sans contredit l’un des sujets chauds en assurance de personnes ces temps-ci. Mais avant de penser à appliquer cette recette à tout vent, revoyons d’abord les détails du PFI. Tout d’abord, il faut savoir que cette stratégie, qui est loin d’être une nouveauté, s’utilise lorsque la personne est fortunée. Un PFI peut permettre d’augmenter la rentabilité d’une stratégie de planification successorale dans la mesure où il respecte certaines conditions.

La première étape consiste à souscrire une police d’assurance vie ayant la propriété d’avoir des valeurs de rachat élevées dès les premières années. Dans la plupart des cas, des polices avec participations sont choisies afin d’atteindre cet objectif. Les participations, étant versées sous forme de bonification d’assurance libérée (BAL), sont ainsi considérées comme des primes additionnelles qui viennent notamment augmenter la valeur de rachat.

D’autres types de polices peuvent permettre de développer ce concept, notamment de l’assurance vie universelle où sont déposées des sommes en sus du coût d’assurance.

La deuxième étape s’aborde immédiatement après la première. Elle consiste à faire un emprunt auprès d’une institution financière. Cet emprunt prendra la forme d’une marge de crédit et il sera généralement égal à un pourcentage de la valeur de rachat de la police d’assurance vie. Ce pourcentage sera fonction du type de placement. Par exemple, des certificats de placement garanti (CPG) pourront faire l’objet d’une garantie de 90 %, alors que ce pourcentage sera réduit pour les fonds communs de placement.

Dans certains cas, la garantie pourra aller jusqu’à 100% de la valeur de rachat de la police et même jusqu’à 100% des primes payées si des garanties supplémentaires – autres valeurs de rachat, placements, immeubles résidentiels, lettres de crédit – sont fournies pour couvrir la différence entre les primes payées et la valeur de rachat.

Troisièmement, des retraits annuels seront ainsi faits à partir de la marge de crédit. Comme ces retraits ne sont pas des revenus, ils ne sont pas imposables. Au fil des années, les intérêts seront généralement payés en totalité par l’emprunteur. Si l’argent retiré est réinvesti dans l’objectif de générer un revenu d’entreprise ou de bien, ces intérêts seront généralement déductibles en totalité.

D’autre part, une partie des primes – le minimum entre le coût net de l’assurance pure (CNAP) et la prime, multiplié par le ratio dette/capital-décès – sera également déductible si les conditions de déductibilité, notamment une lettre d’exigence du prêteur, sont respectées.

Finalement, lors du décès de l’assuré, le capital-décès moins le solde du prêt sera versé au bénéficiaire. Si c’est une société qui a souscrit le contrat et qui est bénéficiaire, le compte de dividendes en capital (CDC) sera crédité du capital-décès moins le coût de base rajusté (CBR) de la police.

Voilà pour la technique. Or, cette simple description ne nous dit pas nécessairement pourquoi il serait rentable de procéder ainsi.

En fait, la rentabilité vient du fait qu’on amplifie, grâce à l’effet de levier, les avantages inhérents à l’assurance vie. Toutefois, qui dit levier dit risque. Voyons pourquoi.

Avantages d’une assurance vie pour la succession

Ici, il est facile de comprendre qu’une police d’assurance vie peut générer un rendement extrême sur des primes payées lorsqu’un décès survient à court terme. Par exemple, un individu n’ayant payé qu’une seule prime de 25 000$sur une assurance vie de 1 M$ qui décède au cours de la première année de son contrat aura un rendement d’au moins 4 000 %!

Plus le temps passe, moins, évidemment, le rendement (ou taux de rendement interne, TRI) sera élevé. Pour un individu rendu à un âge très avancé, l’assurance vie atteint un point de rentabilité inférieur à ce qu’auraient donné des dépôts garantis, par exemple. La raison qui fait que l’âge est avancé avant ce point de croisement est le fait que la fiscalité favorise l’assurance vie.

La valeur qui s’accumule dans une police peut être comparée à celle d’un «gros compte d’épargne libre d’impôt (CELI)», si on veut. Il en va ainsi pour le capital-décès de base de même que pour les dépôts additionnels qui s’accumulent.

Lorsque le contrat est détenu par une société, la fiscalité favorise encore davantage l’assurance vie. Même si le CBR ne peut sortir de la société libre d’impôt pour reconnaître le fait qu’un seul impôt, celui de la société, a été considéré pour payer les primes, ce scénario reste avantageux par rapport à une détention personnelle, surtout à cause de la soustraction du coût net d’assurance pure (CNAP) dans la définition du CBR.

Effet de levier

Dans un contexte de PFI par rapport à une situation classique, il existe un levier. Et qui dit levier dit augmentation des effets. Que ces effets soient positifs ou négatifs, il y aura amplification de ceux-ci.

Contrairement à un prêt levier traditionnel, l’effet de levier est plutôt généré ici par un montant d’assurance vie plus élevé pour un même déboursé net ou un même montant d’assurance pour un déboursé moindre.

En effet, dans un contexte où une police d’assurance vie serait déjà en force, l’effet de levier du PFI ajouterait simplement un emprunt qui serait investi. Les intérêts sur l’emprunt seraient ainsi déductibles et si les critères de déductibilité des primes d’assurance vie étaient respectés, une partie des primes deviendrait déductible en plus. Ainsi, on arriverait à rendre déductibles des primes d’assurance vie qui ne l’étaient pas auparavant, un peu à l’instar de la stratégie de mise à part de l’argent (MAPA).

La comparaison s’arrête toutefois ici parce qu’un PFI ajoute à l’équation un prêt qui n’existait pas, et des intérêts doivent être payés sur ce prêt.

Dans les faits, une stratégie de PFI se fait avec l’émission d’un nouveau contrat d’assurance.

Les liquidités qui auraient pu être disponibles pour un investissement servent alors à payer la prime d’assurance et ce sont les autres liquidités, celles provenant de l’emprunt, qui sont investies.

Pour que les intérêts sur la marge soient déductibles, rappelons qu’un revenu d’entreprise ou de bien doit être généré avec les sommes provenant de l’emprunt. Des liquidités provenant d’une autre source que de la marge de crédit doivent donc être utilisées pour payer les primes.

L’effet de levier, ici, a donc comme objectif d’augmenter la rentabilité de l’assurance vie, le cas échéant.

Ça c’est l’objectif. Attention.

Le client idéal

Si le client a besoin d’assurance et qu’il a la capacité de rembourser le prêt ainsi que les primes résiduelles à chaque instant, ce client pourrait gagner une certaine rentabilité en mettant en place une telle stratégie.

Dans le cas contraire, voyons les risques auxquels il fait face lorsque la stratégie est implantée dans une perspective à long terme.

Risques financiers

Si les hypothèses ne se réalisent pas comme prévu, le client pourrait avoir des problèmes. Lorsqu’on parle de risques financiers, on fait référence aux divers taux projetés: liquidités, taux de rendement des placements, taux des participations, taux d’intérêt de l’emprunt.

Si, à un moment donné, le client n’a plus les liquidités pour payer la prime d’assurance, il devra acquitter cette dernière à même les montants empruntés (le temps qu’il peut), ce qui annule la possibilité de déduire les intérêts et rend la stratégie beaucoup moins efficace. Ce risque peut se manifester particulièrement lorsque le client utilise des bénéfices annuels d’entreprise pour investir et non des placements passifs.

De plus, comme dans n’importe quelle stratégie de prêt levier, le rendement réalisé par l’investissement est primordial. S’il devient inférieur au taux d’intérêt exigé du prêt, la stratégie pourrait perdre en rentabilité.

Si les participations sont inférieures à celles prévues, le capital-décès le sera à son tour, de même que la valeur de rachat. Comme l’évolution du prêt maximal est basée sur cette valeur de rachat, il va sans dire que toute la stratégie pourrait s’écrouler advenant un rappel de la marge ou l’exigence, de la part du prêteur, de garanties supplémentaires.

Le taux d’intérêt de l’emprunt va de pair avec le rendement des placements. Même si les hypothèses de rendement se réalisent, une augmentation des taux d’intérêt aurait le même effet qu’une réduction du rendement. Pour ne pas créer d’appauvrissement, le taux de rendement net (après impôt) doit être au moins égal au taux d’intérêt du prêt net (après économies d’impôt relatives à la déduction des intérêts et d’une partie de la prime). Aucune certitude n’existe en matière de garantie de taux d’intérêt sur de très longues périodes.

Risques fiscaux

Une stratégie reposant sur la fiscalité qui est mise en place pour une longue période doit considérer des changements possibles, soit dans la loi, soit dans les positions administratives de l’Agence du revenu du Canada (ARC).

Par exemple, le versement d’un prêt assuré n’est actuellement pas considéré comme un revenu et le PFI ne déclenche pas d’avantage imposable à l’actionnaire. Pourra-t-on dire la même chose dans 30 ans? On peut se poser la même question relativement aux critères de déductibilité des intérêts et d’une partie des primes d’assurance vie.

Selon mes calculs, les scénarios «catastrophes» résultent particulièrement de changements à ce chapitre.

Illustrations avec sensibilité des hypothèses

Peu importe l’illustration «de base», des scénarios défavorables devraient toujours être présentés au client. Des scénarios «catastrophes», même avec une faible probabilité de survenance, peuvent excéder la tolérance au risque du client.

En somme, il est possible que cette technique donne de bons résultats. Si votre client est très riche et qu’il investit une petite partie de son avoir, il peut augmenter la valeur de sa succession avec une telle stratégie.

Cependant, comme je le mentionnais plus haut, un client qui n’a pas les moyens de rembourser son prêt à tout moment, ni la capacité de payer les primes annuelles prévues jusqu’à la fin du contrat ne devrait pas y adhérer. Ce qu’il faut éviter à tout prix, c’est de ne pas déployer la stratégie jusqu’au bout. Un appel de marge peut même conduire un client à la faillite s’il n’a pas les ressources nécessaires pour la mener à bien.

Finalement, il faut aussi savoir que, même en présence d’un client idéal, ce dernier doit se requalifier, avec possiblement des garanties supplémentaires à fournir, lorsqu’il veut augmenter sa marge de crédit. Ce peut être un irritant majeur pour bon nombre.

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