Le ministre fédéral des Finances Bill Morneau a annoncé l’année dernière des mesures touchant le revenu passif des PME. Elles auront une incidence sur plusieurs sociétés dont les exercices financiers se terminent le 31 décembre prochain. Voyons pourquoi.
Si vous êtes en affaires, vous en avez certainement entendu parler au cours des derniers mois que vos revenus de placement viendront possiblement alourdir votre fardeau fiscal. Rappelons brièvement la principale règle : chaque dollar de revenu de placement excédant 50 000 $ que des sociétés « associées » à une société opérante (exerçant une activité commerciale) réaliseront, viendra réduire le «plafond des affaires» de 5 $.
Pour bien comprendre cette phrase, il faut d’abord savoir de quoi on parle.
Une société est dite « associée » à une autre si elle est contrôlée par la même personne ou le même groupe de personnes. Plusieurs règles techniques existent pour les personnes « liées », c’est-à-dire de la même famille (conjoint, parents, enfants, frères et sœurs et tous les conjoints de ces personnes).
Donc, si votre société qui exploite une entreprise ou n’importe quelle société qui lui est associée génère des revenus de placement, la règle s’appliquera.
Maintenant, que veut dire le «plafond des affaires» ? C’est le montant qui vous donne droit à ce qu’on appelle le «petit taux» d’impôt. À la base, ce sont les premiers 500 000 $ de bénéfices avant impôts qui constitue ce plafond. Une réduction de 5 $ de plafond pour chacun des dollars de revenu de placement signifie qu’un revenu de placement de 150 000 $ (un excédent de 100 000 $ sur le seuil de 50 000 $) fera complètement disparaître les bénéfices imposables au petit taux.
Finalement, il reste à définir ce qu’est un «revenu de placement». Il s’agit en général de ce que les professionnels en services financiers définissent de la sorte. Plus précisément, il s’agit notamment du revenu d’intérêts, des dividendes de sociétés «non rattachées» (par exemple de sociétés cotées en bourse), du gain en capital imposable ainsi que des revenus de location.
Comme vous le savez également sans doute, les pertes en capital peuvent réduire le gain en capital. Dans une année donnée, si les gains en capital sont inférieurs aux pertes en capital, on comprend donc que certaines pertes ne peuvent être utilisées. Elles sont ainsi «gardées en banque» pour une utilisation ultérieure, toujours contre du gain en capital. Pour un individu, si des pertes en capital ne sont pas utilisées pendant la vie de l’individu (parce que les gains en capital restent insuffisants), elles peuvent venir réduire n’importe quel type de revenu dans l’année du décès ou dans l’année qui précède.
Cependant, contrairement à un individu, une société ne meure pas. Elle peut être dissoute, mais aucune exception pour les pertes en capital n’existe.
C’est ici qu’une règle technique vient nuire aux sociétés dans les nouvelles mesures fiscales. Le revenu de placement «normal» (celui incluant le gain en capital imposable) doit être possiblement ajusté à la hausse. En effet, si vous avez réduit votre revenu de placement imposable à l’aide de pertes qui avaient été générées dans le passé et que vous aviez justement gardées en banque, vous devez augmenter votre revenu imposable du montant de ces pertes pour les fins du calcul en vertu des nouvelles règles.
Par exemple, si vos revenus sont les suivants: 25 000 $ en intérêts, 10 000 $ en dividendes et 30 000 $ de gains en capital imposable réalisé l’an dernier, c’est un total de 65 000 $ qui compte pour le calcul. Si vous aviez réduit, l’an dernier, votre revenu imposable à 45 000 $ parce que vous aviez des pertes en capital inutilisées du passé de 20 000 $, ce dernier montant ne peut vous aider à ne pas être frappé par les nouvelles règles. Dans cet exemple, comme vous excédez le seuil de 50 000 $ d’un montant de 15 000 $, c’est cinq fois plus, soit 75 000 $ de réduction du plafond de 500 000 $ qui s’appliquerait. Votre plafond serait donc de 425 000 $.
C’est donc dire que lorsqu’on a des pertes en capital, ces dernières doivent venir réduire les gains en capital dans la même année que les gains ont été produits, sinon, elles n’aideront pas à la situation.
Comment cela peut-il vous toucher et pourquoi est-ce que je parle d’urgence d’agir ?
Premièrement, cette règle technique peut vous toucher si vous détenez des titres qui ont perdu de la valeur et que vous vendrez éventuellement. Si vous pensez les vendre à court terme, vous avez intérêt à les vendre AVANT la fin de votre exercice financier. Pourquoi ? Parce que si vous attendez pour réaliser ces pertes, elles ne pourront venir réduire le revenu de placement assujetti aux règles.
Pourquoi y a-t-il urgence ?
Si votre exercice financier n’est pas le 31 décembre, il n’y a rien de particulier. Dans certaines situations extrêmes, il est déjà trop tard. Mais pour la plupart des situations, il est encore temps d’agir.
En fait, cela dépend de la date (ou des dates) de fin de vos exercices financiers. Comme beaucoup de sociétés ont une date de fin d’exercice au 31 décembre, il est important pour celles-ci d’agir avant la fin de l’année 2018.
Afin de «simplifier» la situation, il a été décidé d’utiliser les revenus de placement dans l’exercice qui précède celui où le plafond des affaires est concerné. Comme les nouvelles mesures s’appliquent aux sociétés opérantes dont l’exercice financier commence après 2018, par exemple, du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019, ce sont les revenus de placement de l’exercice financier précédent (se terminant en 2018) qui servira de base de calcul pour les revenus de placement.
En résumé : si vous détenez des titres qui ont perdu de la valeur et que vous désirez vendre bientôt, alors que votre fin d’exercice est le 31 décembre, vous devriez vendre ces titres pour réaliser des pertes en 2018. Techniquement, pour que les marchés financiers puissent finaliser une transaction, il semble que la date butoir soit le 27 décembre, cette année, selon un article paru dans le journal Finance et Investissement jeudi dernier.
Il y a un petit détail à savoir aussi. Afin que les pertes soient acceptées par les autorités fiscales, vous ne pouvez pas racheter les mêmes titres immédiatement. Vous devrez attendre au moins 30 jours avant de les réacquérir.
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