Plus tôt cette année, j’ai abordé un thème qui me tient à coeur : l’optimisation fiscale en phase de décaissement. J’ai alors dit que j’avais eu une révélation lors d’une formation du Centre québécois de formation en fiscalité (CQFF) – merci encore ! – qui expliquait les avantages d’une rotation élevée d’un portefeuille dans un contexte de société par actions. D’après la formation, des liquidités supplémentaires pouvaient être dégagées en forçant un roulement des titres d’un portefeuille afin de déclencher volontairement la réalisation d’un gain en capital.J’avais alors pris l’exemple d’un compte de liquidités dont le prix de base rajusté (PBR) était égal à la valeur marchande et d’un autre compte dont le PBR était nul. On remarquait alors qu’on avait besoin de près de 20 000 $ de plus dans le compte de liquidités que dans le compte où le PBR était nul afin de couvrir le même coût de vie de l’actionnaire, lorsqu’on lui verse un dividende.
Je concluais donc que dans cet exemple, il était préférable de réaliser volontairement un gain en capital au lieu de le reporter. Or, ce sont les particularités du compte de dividendes en capital (CDC) qui permettent d’atteindre ce résultat. Je vous invite à lire «Réflexion sur l’optimisation du décaissement d’un actionnaire» dans l’édition de mars de Finance et Investissement (http://bit.ly/1KdiweY).
Le cas des fonds de sociétés
Or, à partir de ce point, on peut se poser une question intéressante. Un report du gain en capital à 100 %, qui peut être obtenu par l’intermédiaire de fonds constitués en société, trouve-t-il encore une justification ?
On entend souvent dire que les fonds constitués en société procurent un avantage important à leurs détenteurs par rapport aux fonds constitués en fiducie et que cet avantage est accru dans le cas où les fonds sont détenus par une société par actions.
Cet avantage découle du fait que les gestionnaires de ces fonds essaient de ne faire aucune distribution – de revenu imposable – avant la disposition des titres, et que le gain en capital est imposé à hauteur de 50 % du revenu d’intérêt.
Pour répondre à cette question, on n’a d’autre choix que de faire des simulations, car le nombre de variables peut être très important, voire trop important, ce qui nous empêche de développer des formules simples.
Regardons un exemple pour mieux comprendre.
Supposons que Paul, 60 ans, est un nouveau retraité. Les données sont les suivantes :
Rente de la RRQ : 7 000 $ par an
Solde des comptes REER : 300 000 $
Solde de liquidités dans sa société par actions : 1 000 000 $
PBR des liquidités de la société : 900 000 $
Besoin financier annuel à la retraite : 50 000 $
Rendement annuel des placements : 4,0 %
Inflation : 2,0 %
Scénarios favorables
Avec les paramètres fiscaux d’une personne seule et quelques autres hypothèses, une première projection nous donne une valeur liquidative de l’actif financier de Paul qui s’établit à 66 000 $ environ à 95 ans. Ce résultat est le fruit d’une ventilation du rendement annuel effectuée comme suit : le quart ou 1,0 % du rendement provient de revenus d’intérêt, 0,5 %, de revenus de dividendes, et 2,5 %, de gain en capital dont le taux de réalisation annuel est de 25 %.
En remplaçant cette ventilation par un gain en capital reporté à 100 %, comme des fonds constitués en société peuvent en générer, la valeur liquidative monte à 218 000 $ à 95 ans. Il s’agirait ici d’un fonds constitué en société «parfait». Si on veut être plus réaliste, abaissons le rendement de 0,2 point de pourcentage, à 3,8 % par an, dont 0,25 point de pourcentage proviendrait de revenus de distributions de dividendes annuellement. La valeur liquidative des comptes descend ainsi à 81 000 $.
Troisième projection : prenons les hypothèses finales de la deuxième projection, mais roulons (réalisons le gain en capital) le portefeuille de la société par actions à 100 % chaque année. Autrement dit, vendons tout et rachetons tout annuellement…
Résultat ? La valeur liquidative grimpe à 153 000 $ ! Bien que l’on ne révolutionne pas le monde, les héritiers seraient très contents de recevoir cette plus-value…
Par ailleurs, selon mes calculs, c’est ce taux de rotation du portefeuille de 100 % qui est optimal, c’est-à-dire qui maximise la valeur liquidative à 95 ans pour les héritiers de Paul.
Gare aux généralisations
Toutefois, attention ! Il ne faut pas tirer de conclusion trop hâtive sur cette variable. En effet, si Paul n’avait besoin que de 40 000 $ par année pour combler ses besoins, les résultats seraient les suivants :
Valeur liquidative
Projectionà 95 ans
11 057 000 $
21 112 000 $
31 038 000 $
Dans ce cas, la troisième projection est pire que la première.
Cependant, il y a mieux encore… Lorsqu’on applique un taux de roulement de 27 % aux hypothèses de la deuxième projection, ce taux est optimal et il donne une valeur liquidative de 1,135 M$.
Vous aurez aussi compris que j’aurais pu prendre un autre exemple où le roulement de 0 % aurait été préférable !
C’est donc la preuve qu’il est très difficile de dégager des constats a priori sur le taux de roulement optimal dont un portefeuille devrait faire l’objet.
Eh oui ! C’est encore du cas par cas… Bonne réflexion !
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