La question de la main-d’oeuvre a occupé beaucoup de place dans la campagne électorale. La pénurie est bien réelle et si elle dure longtemps, elle pourrait se fait sentir sur les revenus du gouvernement et, par conséquent, sur les services aux citoyens.
Quand l’économie ne tourne pas rond, ce sont les revenus de l’État qui sont en jeu. Avec la pénurie de main-d’œuvre qui a cours actuellement, plusieurs entreprises ne fonctionnent pas à plein régime. En réaction, des mécanismes gouvernementaux pourraient être mis en place pour conserver les ressources expérimentées sur le marché du travail. Voici 7 mesures pouvant être mises en place par nos dirigeants qui pourraient aider en ce sens. Certaines sont simples à mettre en place alors que d’autres nécessitent davantage d’ajustements.
Mesure #1 (très facile) : Bonifier la « Prime au travail » (PAT) et l’« Allocation canadienne pour les travailleurs » (ACT)
La PAT a été instaurée au Québec afin d’aider les personnes à sortir de l’aide sociale. Cette mesure a par la suite été copiée par le fédéral (ACT) qui l’applique dans toutes les autres provinces tellement elle était sensée.
Le principe de ces crédits est que l’État bonifie le revenu de travail. Autrement dit : « Aide-toi et l’État t’aidera ». Après un certain point, la prime diminue graduellement jusqu’à disparaître complètement. Cette mesure permet de rendre le travail plus payant pour ceux qui font moins d’heures par semaine ou travaillent à un salaire plus faible.
On pourrait moduler ces deux crédits, non seulement selon les revenus, mais selon l’âge des individus. Ainsi, les personnes d’un certain âge faisant le choix de demeurer sur le marché du travail se verraient ainsi « subventionnées » par l’ensemble des contribuables.
Cette mesure serait plus efficace qu’une simple hausse du salaire minimum qui affecte au premier chef les employeurs qui offrent des emplois au salaire minimum.
L’inconvénient de cette mesure, c’est la visibilité. Il est plus difficile de faire connaître la rentabilité du travail lorsqu’il faut connaître ses effets nets. Voilà pourquoi il serait avantageux de rendre disponible une calculatrice (mesure #7 ci-dessous) pour les travailleurs âgés, ou « expérimentés » comme on les appelle plus gentiment.
Mesure #2 (facile) : Aider les personnes qui paient des frais pour leurs vieux parents
Les mesures pour maintenir les travailleurs expérimentés au travail visent à garder des personnes de 55, 60, 65 ans et plus. Ces personnes ont elles-mêmes souvent des parents très âgés qui sont en CHSLD ou en résidence pour aînés et qui requièrent une assistance plus ou moins régulière de leurs proches. Or, à défaut d’augmenter les services que l’État fournit dans ces établissements (ce qui serait une nécessité d’autre part), les personnes qui paieraient pour des soins à leurs parents pourraient bénéficier d’un crédit d’impôt.
Elles pourraient ainsi conserver un emploi au lieu de prendre leur retraite pour aller nourrir (ou donner tout autre soin à) leurs parents. Je pense qu’on sous-estime le nombre de personnes de 50 ou de 60 ans qui vivent cette situation difficile ou accaparante.
Comme le crédit d’impôt pour frais de garde, qui vise à compenser les frais de garde payés pour permettre à un parent de travailler, ce même principe pourrait s’appliquer à ceux qui doivent assumer des coûts pour prendre soin de leurs parents alors qu’ils sont au travail. Le montant global de ce crédit d’impôt pourrait être partagé entre les proches d’une personne en perte d’autonomie.
Mesure #3 (facile) : Bonifier les crédits d’impôt pour travailleurs âgés
Un tel type de crédit existe au Québec, mais pas au fédéral. Les personnes âgées de plus de 61 ans bénéficient actuellement d’un certain allègement fiscal. On pourrait bonifier cet allègement pour inciter les personnes à gagner plus de 16 000 $, seuil où le crédit est à son maximum pour les personnes de 65 ans et plus.
Mesure #4 (moyennement difficile) : Bonifier le Régime québécois d’assurance parentale (RQAP)
Plusieurs personnes auront aussi cotisé pendant des années sans jamais retirer quoi que ce soit de régime. Et les personnes en bénéficiant continuent de payer même après ne plus être en âge de procréer.
Les régimes de congés parentaux offerts dans plusieurs pays prévoient la possibilité de transfert des prestations payables selon des modalités assez souples. Par exemple, en Suède, en cas de père inconnu, le congé de paternité peut être accordé à un proche pour soutenir la mère. Le régime norvégien permet aussi le transfert des prestations de paternité si le père n’habite pas avec la mère. En Finlande, les prestations de maternité peuvent être transférées au père ou à toute une autre personne prenant soin du nouveau-né en cas de décès ou de maladie de la mère. Eh oui… encore les pays scandinaves.
Pour ici, il ne s’agirait que d’étendre des couvertures aux grands-parents ou à toute autre personne pouvant justifier une prise en charge d’un nouveau-né ou d’un enfant adopté. On enverrait ainsi un message clair, comme on l’a fait pour les pères en 2006, qu’il est normal que des grands-parents puissent aider la famille lors de la naissance d’un enfant et travailler en même temps. De telles mesures existent actuellement en Grande-Bretagne depuis 2015 et la question est aussi étudiée en France, en Belgique et en Allemagne.
Mesure #5 (moyennement difficile) : Assouplir le Régime de rentes du Québec (RRQ)
Comme le parti Libéral le propose, si une personne retraitée pouvait suspendre les versements de sa rente de retraite et les reprendre plus tard – avec une bonification jusqu’à 75 ans, plusieurs personnes pourraient être disposées à retourner sur le marché du travail sans être autant imposées.
De plus, les cotisations à ce régime pourraient être annulées à compter d’un âge inférieur à l’âge actuel de 70 ans. Le PQ propose actuellement l’âge de 65 ans.
Mesure #6 (très facile) : Assouplir les paramètres du Supplément de revenu garanti (SRG)
Alexandre Touchette, de Radio-Canada, a appris cette semaine, de Statistiques Canada, que le tiers des retraités de 65 ans ou plus se qualifient aux prestations du Supplément de revenu garanti, cette rente mensuelle non imposable qui peut atteindre plus de 10 000 $ pour une personne seule.
Mais quand une personne a des revenus, ceux-ci viennent réduire le montant de SRG. Pour faire une règle du pouce, disons que chaque dollar gagné coupe le SRG de 0,50 $. En termes clairs, c’est comme un « impôt » de 50 % qui s’ajoute à l’impôt régulier. Ça fait très mal…
Il y a cependant des exceptions : la pension de la sécurité de la vieillesse n’est pas considérée dans le calcul, de même que les 3 500 premiers dollars de revenu de travail. Afin de ne plus décourager les personnes qui voient leur chèque amputé de façon importante s’ils retournent travailler, le gouvernement n’aurait qu’à hausser le seuil de 3 500 $ à un niveau plus élevé. De cette façon, beaucoup de personnes âgées pourraient voir un intérêt réel à réintégrer la population active plutôt que de redonner 80 % de leur revenu à l’État.
Mesure #7 (facile) : Produire un calculateur pour y voir clair
Le ministère des Finances a déjà quelques calculateurs qui permettent d’estimer facilement l’impact de plusieurs mesures fiscales et d’avoir l’heure juste en fonction de sa propre situation. En cliquant ici, vous avez accès à différentes calculettes permettant d’estimer, par exemple, le coût réel des frais de garde après impôt ou le montant qu’il vous reste réellement dans vos poches selon votre revenu. Ces calculettes ont l’avantage d’être à jour et de tenir compte des programmes sociaux dans leur ensemble, contrairement aux logiciels de planification financière.
Le premier réflexe pour quiconque se demande s’il devrait retourner sur le marché du travail ou non devrait être de consulter les outils actuels, question de ne pas se fier sur les dires du beau-frère pour savoir si ça vaut vraiment la peine de retourner travailler.
Toutes les nouvelles mesures dont j’ai parlé pourraient être intégrées aux outils actuels pour que la décision de rester ou de retourner sur le marché du travail soit prise en toute connaissance de cause.
En conclusion
Les raisons qui portent les personnes âgées à se retirer sont souvent multiples. Que ce soit l’arrivée d’un petit-enfant qui fasse basculer la décision, le soutien à offrir à ses parents vieillissant ou l’impression que l’effet financier net n’en vaut pas la peine, c’est rarement un seul facteur qui entre en ligne de compte dans la décision de prendre sa retraite ou non. Pour cette raison, je pense qu’on devrait également agir sur plusieurs plans à la fois pour augmenter nos chances de combler une partie de la main-d’œuvre manquante à l’aide de nos jeunes retraités.
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