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Fiducies : corrections d’une iniquité

Dans la foulée des modifications touchant l’imposition des fiducies à compter de 2016, un élément important avait créé une iniquité. Le ministère fédéral des Finances corrigera cet élément. Rappelons que le principal changement apporté aux fiducies en 2016 est que les fiducies testamentaires seront dorénavant assujetties aux mêmes taux d’imposition maximums que les fiducies créées entre vifs.

Les seules fiducies faisant exception à cette règle sont les successions. Elles continueront de bénéficier de taux progressifs pendant une période de 36 mois après le décès.

Pour ce qui est de l’iniquité, il s’agissait de l’ajout, au moment de l’entrée en vigueur de ces règles, de l’alinéa 104(13.4)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR). Celui-ci fait en sorte que le revenu d’une fiducie exclusive en faveur du conjoint devenait imposable entre les mains du conjoint à son décès.

Avant d’aller plus loin, rappelons la règle générale d’imposition des fiducies qui fait qu’un bien transféré à une fiducie est «libre» d’impôt, c’est-à-dire que l’auteur du transfert a payé l’impôt afférent à ce bien au moment du transfert. Autrement dit, on ne «roule» pas de biens dans une fiducie. Un roulement peut cependant être fait lorsqu’un bien de la fiducie est remis à un bénéficiaire.

Il y a toutefois quelques exceptions à cette interdiction de roulement lors du transfert d’un bien à une fiducie. L’une de ces exceptions se fait lorsqu’un client transfère ce bien à une fiducie exclusive au conjoint. Dans ce cas, un roulement à l’entrée de la fiducie est autorisé.

Cependant, la journée du décès du conjoint, la fiducie est réputée disposer de toutes ses immobilisations en vertu de 104(4)a) LIR. Cette disposition peut engendrer un revenu imposable important.

Revenons à l’iniquité. Or, le nouvel alinéa 104(13.4)b) LIR semblait donner un avantage en attribuant les revenus au bénéficiaire décédé – dont les taux sont progressifs – plutôt qu’à la fiducie, imposée aux taux maximums. Dans le pire des cas, le contribuable décédé a des revenus élevés qui entraînent une imposition égale à celle de la fiducie.

Oubli contestable

Or, les autorités fiscales avaient oublié une situation fréquente… celle des familles recomposées. La plupart du temps, lorsqu’un client met en place une fiducie dans un tel contexte, il vise à assurer au conjoint survivant les ressources nécessaires sa vie durant. Au décès de ce conjoint survivant, le capital (résiduel) est cependant souvent remis aux enfants du premier défunt. Si ce n’était pas le cas, si le capital était également versé au conjoint survivant, ce dernier pourrait complètement ignorer les enfants du premier défunt dans son propre testament. Autrement dit, le contrôle de la dévolution de tous les biens serait abandonné au profit du conjoint.

Le problème qui avait été créé par le nouvel alinéa est que l’impôt afférent aux biens du premier défunt devait être payé par le conjoint survivant ou par sa succession.

Exemple chiffré

Prenons un exemple afin de bien comprendre les implications de cette situation.

Jean est père de trois enfants et il a une nouvelle conjointe, Marie qui, elle, a deux enfants. Jean détient un immeuble à revenus qui a une valeur marchande de 1 M$ avec un produit de base rajusté (PBR) de 500 000 $ et une fraction non amortie du coût en capital (FNACC) de 300 000 $. Cet immeuble génère des revenus nets de location de 30 000 $ par an.

Le testament de Jean prévoit la mise en place d’une fiducie exclusive au conjoint au bénéfice de Marie. Elle a ainsi droit à tous les revenus de location annuels. Cependant, les bénéficiaires de l’immeuble de Jean au décès de Marie sont les trois enfants de Jean. Cette situation est tout à fait courante.

Avant la correction des nouvelles règles, le décès de Marie, après le décès de Jean, aurait entraîné la récupération d’amortissement et le gain en capital imposable de l’immeuble entre ses mains, sur sa dernière déclaration de revenus. Dans notre exemple, en conservant les attributs fiscaux actuels, le revenu imposable aurait été de 450 000 $, soit 200 000 $ de récupération d’amortissement et 250 000 $ de gain en capital imposable.

Marie aurait donc dû payer un impôt sur un revenu de 450 000 $ sans avoir l’actif assujetti à cette imposition, car ce sont les enfants de Jean qui héritent de l’immeuble. Comme la succession d’un défunt est solidairement responsable du paiement des impôts de ce dernier, ultimement, ce sont les deux enfants de Marie qui auraient écopé ainsi de cette fâcheuse situation.

Heureusement, le nouveau gouvernement fédéral a corrigé la situation en faisant en sorte que c’est la fiducie qui devra payer l’impôt sur l’immeuble, à moins, temporairement, d’un choix conjoint entre la fiducie et la succession de Marie pour revenir à la situation initiale… Certes, ce sont les taux maximums qui s’appliqueront, mais au moins, les enfants de Jean n’obtiendront pas un immeuble en en faisant payer l’impôt par d’autres personnes…

Certains fiscalistes mettent en place des fiducies dans d’autres provinces canadiennes, par exemple en Alberta, afin de réduire l’imposition au décès de contribuables du Québec. La correction permettra également de continuer à utiliser cette planification.

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