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Dilemme salaire-dividende : analyse détaillée d’un cas

Dans nos deux dernières chroniques, nous avons énoncé quelques éléments dont il faut tenir compte avant de suggérer à son client une rémunération sous forme de salaire ou de dividende. Dans ce texte, le dernier d’une série de trois, je tenterai de tirer quelques conclusions à partir du graphique d’une situation type. Il existe évidemment une quantité innombrable de scénarios possibles.Prenons le cas d’un client de 40 ans qui est actionnaire unique d’une société par actions. Il est célibataire et a besoin de 100 000 $ par an pour combler ses besoins personnels. Sa société est admissible à la déduction pour petite entreprise (DPE), et ses bénéfices avant impôt n’excèdent pas le plafond des affaires de 500 000 $. Il compte prendre sa retraite à 65 ans et prévoit un décaissement d’une durée de 30 ans, jusqu’à ce qu’il atteigne 95 ans.

Les autres hypothèses sont les suivantes :

Des retraits annuels sont effectués afin de réduire à néant les comptes de dividendes en capital (CDC) et l’impôt en main remboursable au titre de dividendes (IMRTD). Avant la retraite, les sommes sont investies dans un compte non enregistré régulier.

Une cotisation à un REER égale à l’espace généré par la rémunération sous forme de salaire est versée.

Taux d’imposition à la retraite et en accumulation sur le compte non enregistré : 49,97 %.

Taux d’inflation annuel : 2 %.

Taux d’augmentation du maximum des gains admissibles (MGA) de la rente de retraite de la Régie des rentes du Québec (RRQ) : 2,5 %.

Trois profils d’investisseur seront examinés :

Conservateur : rendement en intérêt de 3 % avant et après la retraite ;

Modéré : rendement en intérêt de 1 % avant et après la retraite, dividende de 0,5 % avant et après la retraite et gain en capital – réalisé à raison de 20 % par an – de 3,5 % avant la retraite et de 2 % à la retraite ;

Audacieux : rendement sous forme de dividendes de 0,5 % avant et après la retraite et gain en capital de 6 % avant la retraite et de 4,5 % à la retraite, également réalisé à raison de 20 % par an.

Les résultats, sous forme de graphique, sont comme suit :

Il faut comprendre que pour chaque niveau de salaire donné, l’actionnaire doit recevoir une rémunération sous forme de dividende pour combler ses besoins financiers de 100 000 $ par an, après cotisation au REER.

Par exemple, un salaire annuel de 10 000 $ est couplé avec un dividende non déterminé de 130 511 $ en tenant compte des paramètres d’imposition de 2014. Au fur et à mesure que le salaire augmente, la portion dividende diminue dans la rémunération totale du client.

Évidemment, selon les bénéfices de l’entreprise, celle-ci investira les liquidités qui n’ont pas été versées à l’actionnaire ou à l’État. Ce sont les projections de ces liquidités qui constituent les revenus de retraite analysés.

On doit ainsi interpréter ce graphique, par tranche de mille dollars de salaire, comme une comparaison pour chacun des trois profils entre un salaire donné et le salaire donnant les pires résultats (revenus de référence), c’est-à-dire le revenu de retraite le moins élevé.

Creux de vagues

Comme on peut le voir, ces pires résultats (les creux de vagues) sont atteints avec les niveaux de salaire suivants :

Profil conservateur : 0 $

Profil modéré : 53 000 $

Profil audacieux : 156 000 $

On ne peut donc pas tirer de conclusion claire quant à ces pires résultats avant de connaître le profil d’investisseur du client.

Points d’inflexion

Il existe trois points d’inflexion correspondant aux éléments suivants :

-Minimum pour cotisation au RRQ de 3 500 $ : il n’y a aucun avantage à se verser un salaire inférieur à ce seuil.

-Maximum pour cotisation au RRQ de 52 500 $ : situation non optimale dans tous les cas. Il s’agit même du pire résultat pour notre profil modéré.

-Maximum pour cotisation au REER de 138 500 $ : au-delà de ce seuil, on remarque que les impacts sont minimes, quel que soit le profil. Autrement dit, un salaire de 140 000 $ et un salaire de 190 000 $ donnent essentiellement les mêmes résultats.

Amplitude des variations

Je veux attirer votre attention sur ce point. En fait, le sommet de ces courbes représente l’«erreur» maximale qui peut être faite si l’on choisit le mauvais niveau de salaire. Par exemple, pour un client au profil modéré, il s’agit d’un montant d’au plus 100 $ par an. Le graphique est exprimé en dollars d’aujourd’hui après impôt.

Cela signifie donc que si l’on choisit un niveau de salaire correspondant exactement au creux d’une vague, l’erreur est de moins de 100 $ par an à la retraite. Ces montants sont plus élevés pour les autres profils. Mais lorsqu’on sait à l’avance qu’un profil conservateur est favorisé par un salaire, on réduit ce risque d’écart à une fraction du maximum.

D’autant plus que si l’on tenait compte du remplacement de protection requis du RRQ avec une rémunération sous forme de dividende, les différences s’amenuiseraient davantage. Avec de tels chiffres, pas de quoi écrire à sa mère.

Ce qui est beaucoup plus important et qui n’apparaît pas sur le graphique, c’est le revenu lui-même généré par le profil d’investisseur. Par exemple, les revenus de retraite (en dollars actuels et après impôt) générés par les trois profils avec l’hypothèse d’un revenu net d’entreprise de 400 000 $ sont les suivants :

Profil conservateur :

de 900 à 1 200 $ par an

Profil modéré :

de 2 000 à 2 100 $ par an

Profil audacieux :

de 3 500 à 3 900 $ par an

Le profil d’investisseur génère donc des différences beaucoup plus importantes que le choix du type de rémunération.

Alors, afin de rassurer votre client, vous pouvez vous permettre de lui parler d’éléments qualitatifs quant à la forme optimale de rémunération qu’il entend se verser… parce qu’en fin de compte, il y a de bonnes chances pour qu’il «change quatre trente sous pour une piastre»… Bonne réflexion !

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